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Les obligations de l'employeur envers l'État congolais : un enjeu de sécurité juridique à l'heure des grands partenariats
( Par Jules KAJINGULU MAKENGA, Avocat)
La République Démocratique du Congo est à la veille d'un tournant historique. " Alors que le pays s'apprête à conclure un partenariat minier historique avec les États-Unis d'Amérique - échangeant sécurité, infrastructures et développement contre la valorisation de ses minerais stratégiques - l'on évoque plus de 500 milliards de dollars d'investissements sur une période de quinze ans ", le Qatar annonce être sur le point de conclure aussi un partenariat stratégique avec la RDC pour un projet d'investissement de 21 milliards de dollars. " Les investissements qataris concernent de multiples secteurs parmi lesquels l'agriculture, les finances, les mines, l'industrie pharmaceutique ou encore les hydrocarbures ".
Derrière ces chiffres colossaux se cache une question fondamentale : quelles sont les obligations de l'employeur - qu'il soit investisseur étranger ou opérateur local - envers l'État congolais ?
I. La première obligation : respecter la Constitution et le Code du travail
La toute première obligation de l'employeur envers l'État congolais s'enracine dans le respect scrupuleux de la Constitution de la République Démocratique du Congo, telle que révisée par la Loi n°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de la Constitution du 18 février 2006.
Cette Constitution érige le travail en principe fondamental, indissociable de la dignité humaine. Son article 36 en donne une formulation claire et sans équivoque : " Le travail est un droit et un devoir sacrés pour chaque Congolais. L'État garantit le droit au travail, la protection contre le chômage et une rémunération équitable et satisfaisante assurant au travailleur ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine, complétée par tous les autres moyens de protection sociale, notamment la pension de retraite et la rente viagère."
Cette disposition constitutionnelle s'inscrit dans la continuité des engagements internationaux de la République Démocratique du Congo, en particulier de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966, entré en vigueur en RDC le 3 janvier 1976.
Ce texte consacre le droit au travail en ces termes : " Les États reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit de toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront les mesures appropriées pour sauvegarder ce droit. "
Ainsi, qu'il soit issu du droit constitutionnel ou du droit international, le système juridique congolais érige le travail à la fois en droit fondamental et en devoir social. Cette double qualification place l'État et l'employeur dans une responsabilité partagée : celle de garantir aux travailleurs des conditions réelles et effectives pour jouir pleinement de ce droit.
Dès lors, avant même d'aborder les prescriptions du Code du travail, il importe de rappeler que l'employeur assume une responsabilité constitutionnelle : celle d'offrir aux salariés un cadre d'emploi conforme aux principes de justice sociale, de dignité humaine et de sécurité économique.
Dans ce prolongement, l'obligation de référence demeure le respect du Code du travail (Loi n°015/2002), véritable socle de toute activité professionnelle légale et sécurisée.
La première et principale obligation de l'employeur envers l'État congolais demeure donc le respect scrupuleux de la Constitution de la République et du Code du travail. Elle constitue l'obligation de référence, le socle de toute activité professionnelle légale et sécurisée. C'est à travers elle que se construit la relation de confiance entre l'investisseur, le travailleur et l'État.
Cette obligation implique plusieurs prescriptions essentielles :
1. Le contrat adapté à la nature de l'emploi
" Tout emploi permanent doit être régi par un contrat à durée indéterminée (CDI). Le recours au contrat à durée déterminée (CDD) n'est permis que dans des cas ponctuels, saisonniers ou exceptionnels.
L'article 42 du Code du travail est sans équivoque : "Lorsque le travailleur est engagé pour occuper un emploi permanent dans l'entreprise ou l'établissement, le contrat doit être conclu pour une durée indéterminée. Tout contrat conclu pour une durée déterminée en violation du présent article est réputé conclu pour une durée indéterminée. "
Cette règle vise à mettre fin à la pratique abusive, encore trop répandue, consistant à institutionnaliser les CDD pour occuper durablement des postes permanents.
2. La langue du contrat de travail
Le contrat doit être conclu et signé dans une langue comprise par le travailleur.
Le Code du travail congolais (articles 44 et 212) ne précise pas la langue, mais la pratique et le droit imposent l'usage du français, langue officielle de l'administration et des affaires en RDC.
Pour les travailleurs étrangers, une traduction dans leur langue maternelle peut être exigée afin de garantir une compréhension complète.
Ainsi, un employeur étranger ne peut pas imposer un contrat en anglais à un travailleur congolais : il doit être rédigé en français, avec une éventuelle version traduite, les deux devant être signées simultanément.
L'usage du français répond à trois impératifs :
" assurer la clarté et la sécurité juridique des parties,
" respecter les attentes des juridictions et des autorités locales,
" harmoniser les pratiques contractuelles au niveau national.
3. Le respect des droits fondamentaux du salarié
Dès l'embauche et durant toute la relation de travail, l'employeur doit garantir les droits essentiels du travailleur.
L'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme rappelle : " Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage."
Ces principes universels s'imposent aux employeurs et complètent le dispositif national.
4. Le socle juridique des obligations patronales
Le respect du Code du travail s'articule avec d'autres textes fondamentaux, qui constituent ensemble le cadre de référence des employeurs en RDC :
1. La Constitution de la RDC telle que révisée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 ;
2. Loi n°015/2002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail ;
3. La Loi n°16/009 du 15 juillet 2016 fixant les règles relatives au régime général de sécurité sociale ;
4. L'Arrêté ministériel n°146 du 10 novembre 2018 relatif à l'affiliation, à l'immatriculation et aux cotisations sociales ;
5. La législation fiscale (impôt professionnel sur les revenus - IPR, et autres prélèvements) ;
6. Les Actes uniformes OHADA, qui intègrent le droit du travail dans le droit des affaires ;
7. La Déclaration universelle des droits de l'homme, garantissant le socle des droits fondamentaux.
5. Une clé d'entrée pour les investisseurs
En respectant ces règles, l'employeur-investisseur ne fait pas qu'exécuter une formalité légale :
" il assure la paix sociale au sein de son entreprise,
" il renforce la sécurité juridique de ses activités,
" et il participe à l'assainissement du climat des affaires en RDC.
Le respect du Code du travail n'est donc pas une simple contrainte administrative : c'est la clé d'entrée qui conditionne la stabilité et la durabilité des investissements.
II. Une avancée à saluer: le Guichet unique de création d'entreprise
Au socle juridique précité, s'ajoute une obligation d'ordre existentiel : déclarer son existence et obtenir les enregistrements légaux qui conditionnent l'activité. Autrefois, cette formalité exigeait plusieurs démarches dispersées auprès de différentes administrations (Inspection du Travail, ONEM, INSS, DGI…).
Aujourd'hui, grâce à la mise en place du Guichet unique de création d'entreprise (GUCE), cette obligation est accomplie de manière automatique dès l'immatriculation.
L'opérateur économique reçoit simultanément :
" son certificat d'affiliation à la CNSS,
" son numéro d'identification fiscale,
" son certificat d'affiliation à l'ONEM,
" et son numéro d'identification nationale.
Cette innovation simplifie considérablement la vie de l'employeur et réduit les tracasseries administratives. Elle mérite d'être saluée comme une avancée majeure, d'autant plus que la première édition de cet ouvrage plaidait déjà pour une telle réforme.
À l'époque, il était recommandé d'adopter une loi instituant un organisme unique chargé de l'affiliation et de l'immatriculation des commerçants, des associations sans but lucratif et des établissements d'utilité publique. Certes, une telle loi n'a pas encore vu le jour, mais le Guichet unique, créé après la publication de la première édition, accomplit déjà ce travail de centralisation et constitue une réponse concrète aux attentes des opérateurs économiques.
Les obligations patronales se regroupent en cinq familles : existentielles, administratives, sociales, fiscales et formationnelles. Les manquements sont sanctionnés par le Code du travail et les textes d'application.
III. Un double défi pour la RDC
Attirer les capitaux étrangers tout en protégeant les travailleurs congolais. Voilà le cœur du défi actuel. À cet égard, deux axes d'action sont prioritaires :
1. Simplification et digitalisation des obligations patronales :
- généraliser l'enregistrement automatique auprès de tous les organismes publics (CNSS, ONEM, INPP, DGI) via un numéro unique d'entreprise,
- centraliser les déclarations dans un fichier national,
- renforcer l'utilisation des plateformes électroniques et la traçabilité numérique.
2. Protection effective des travailleurs congolais :
- imposer la primauté du CDI pour les emplois permanents et mettre fin à l'institutionnalisation abusive du CDD,
- garantir une application rigoureuse des règles de sécurité sociale et de fiscalité du travail,
- encourager la formation continue et la mobilité professionnelle à travers l'INPP.
En définitive, le défi de la RDC est double : attirer les capitaux étrangers par un droit social clair, moderne et harmonisé, tout en protégeant ses citoyens engagés dans l'emploi salarié.
Ce double engagement, inscrit dans l'esprit du droit communautaire OHADA et dans la dynamique des partenariats stratégiques en cours, contribuera à instaurer enfin un climat de confiance durable et à assurer ce dont les opérateurs économiques ont le plus besoin : la sécurité juridique.
Conclusion
On peut dire, à la fin de cette réflexion, extraite de ma publication de l'année 2012, que les obligations de l'employeur envers l'État congolais ne sont ni accessoires ni secondaires. Elles sont au contraire incontournables, car elles relèvent à la fois de la légalité, de la citoyenneté et de la responsabilité économique et sociale.
La RDC est à la croisée des chemins. Les investisseurs frappent à la porte. La clé d'entrée est connue : la sécurité juridique.
Respecter et moderniser les obligations de l'employeur envers l'État, c'est non seulement protéger les travailleurs, mais aussi sécuriser durablement les investissements.