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La passion de Lumumba : les opposants macrohistoriques à la quête d'émancipation de l'homme noir
(Par Jean-Claude Matumweni Makwala, Professeur ordinaire)
1. LA PHILOSOPHIE
Dans le précédent épisode, nous avons abordé le problème de la causalité macrohistorique comme un des facteurs explicatifs, voire déterminants de la passion de Lumumba. Cette position veut dire tout simplement que, sans minimiser le rôle des interactions toxiques que Lumumba a connues avec ses contemporains, des compatriotes tout comme des étrangers, le rôle des causes lointaines ne peut être négligé. Nous avons montré que Lumumba se positionne comme un sujet de quête, un maillon d'une longue chaîne de héros célèbres ou moins célèbres, mais aussi des anonymes qui ont dit non à la domination leur imposée, d'abord sous la forme de l'esclavage, ensuite sous la forme de la colonisation. Nous avons donné des repères à cette longue lignée.
Il est question, à présent, d'examiner une autre lignée, celle des opposants à la quête de l'homme noir. On verra qu'elle est particulièrement marquée par l'image qu'elle construit de l'homme noir.
Cette problématique amène à considérer trois types de facteurs : certains sont de nature philosophique, d'autres de type religieux, d'autres enfin de type politique.
A ces trois repères sont associés des personnages précis, qui ont marqué la vision du Noir par l'Occidental ainsi les pratiques subséquentes.
Pour cela, revenons encore sur notre schéma actantiel, qui nous fournit nos balises :
Notre regard se fixera aujourd'hui sur la case de l'extrême droite, où nous trouvons ces personnages ainsi que les orientations qui les animent et qui sont, comme dit précédemment, de type philosophique, religieux et politique.
Leurs pensées ont conditionné les rapports avec l'homme noir, et donnant un soubassement à des siècles de domination, des pratiques de violence, dont la lignée de Lumumba a fait les frais.
Nous abordons dans cet épisode les conceptions philosophiques, et tout comme pour les deux autres conceptions (la religion et la politique), on peut avancer une hypothèse forte, affirmant sans la philosophie occidentale ayant construit un sens ou une représentation du Noir et de l'esclave, les héros africains étudiés précédemment (Yanga, Mvita Nkanga, Kimpa Vita, Makandal, Toussaint Louverture, Behanzin, Simon Kimbangu, Um Nyobe jusqu'à Lumumba et ceux qui lui ont succédé, à savoir Thomas Sankara ou Laurent-Désiré Kabila), ces héros n'auraient donc pas été possibles ni nécessaires.
Car, le système contre lequel ils se sont levés comptait les conceptions philosophiques parmi ses fondements.
Les philosophes et leurs conceptions
1. Aristote
Aristote fait partie, avec Platon, des philosophes dits hiérarchistes, chez qui on trouve la conception selon laquelle l'esclavage aurait une origine naturelle, en rapport avec " un lien hiérarchique transcendant à la volonté humaine " ; cette hiérarchie désigne dès la naissance les maîtres et les esclaves.
Ils conçoivent " une disposition native des individus, qui trace une sorte de frontière, celle de l'inégalité première, entre les hommes, dont les uns sont voués à être libres et les autres à être esclaves " (Jean-Paul Doguet).
Par conséquent, pour ce courant, il est hors de question de traiter les autres hommes comme équivalents à soi-même et même entre eux.
En même temps, il considère l'affranchissement de l'esclave comme un acte contre-nature.
Cette conception déborde la perspective individuelle pour embrasser le destin des groupes et des peuples entiers : ainsi, les Grecs étaient destinés à être des maîtres, les Barbares à être leurs esclaves.
C'est ainsi que Platon, selon Karl Popper, parle du mouvement égalitaire avec dédain parce qu'il " incarnait à ses yeux tout ce qu'il détestait " .
La pensée hiérarchique est équivalente au racisme et justifie la domination des peuples sur d'autres.
Dans les temps anciens, selon Karl Popper, elle trouvait sa forme la plus rigide dans l'Etat lacédémonien ainsi qu'à Sparte, dont les principes de gouvernance tenaient dans quelques principes, entre autres :
- appliquer une politique antihumaniste par le rejet de toute idéologie égalitaire, démocratique ou individualiste ;
- se proclamer antiuniversaliste en maintenant ce qui différencie sa propre tribu de toutes les autres ; ne jamais se mêler aux inférieurs ;
- dominer ses voisins et les réduire en esclavage.
Aristote est le philosophe qui a le mieux systématisé la conception de l'esclave. Dans son ouvrage intitulé Dans la Politique, il résume cette conception en quelques assertions de base :
- l'esclave est la propriété d'autrui et, de ce fait, est " un instrument d'usage et tout individuel " (Chap.2, §7) ; en effet, il existe des instruments inanimés (le gouvernail pour le patron du bateau) et des instruments animés (le matelot qui veille sur la proue).
- le statut de l'esclave n'est en rien différent de celui de l'animal, du point de vue utilitaire : les deux servent, " par le secours de leurs forces, à satisfaire les besoins de l'existence " (§14) ;
- " L'esclave est absolument privé de volonté " (Chap. V, §6).
Selon Jean-Paul Doguet, cette vision amenait le philosophe à "considérer que les barbares, et donc à fortiori les Noirs, étaient inférieurs en nature, incapables de raisonner, et que l'on pouvait par conséquent les réduire en esclavage. "
Suivant cette théorie, plusieurs penseurs européens ne s'embarrasseront pas d'euphémisme, tel Georges Vacher Lapouge, qui écrira que l'esclavage " n'a rien de plus anormal que la domestication du cheval ou du bœuf " . Aimé Césaire, de son côté, résume la relation Blanc-Noir par l'équation suivante : colonisation = chosification. Et Franz Fanon la résumera par l'assertion : "Le nègre est un jouet entre les mains du Blanc. "
2. Emmanuel Kant
Sa pensée sur le thème de l'esclavage a été décortiquée, notamment par Lukas Sosoe à partir d'une relecture des écrits du philosophe, entre autres sur sa Géographie physique.
Sosoe affirme que selon Kant, " la race et la différence raciale sont dues à des espèces originales et des variations spécifiques à des classes relatives à des ''dotations naturelles'' à tel point qu'il y a un germe naturel et des talents spécifiques aux races humaines.
Sur la base de ces critères se distinguent quatre races que Kant classe dans un ordre hiérarchique, la race blanche (l'Européenne) se hissant au sommet de l'humanité, la race jaune (l'Asiatique), la race noire (l'Africaine) et la race rouge (l'Amérindienne).
Par rapport à la race blanche, ''la créature la plus parfaite'', il manque aux autres races la capacité de s'éduquer, de s'élever, à partir des talents naturels ou de la nature vers la culture, ce dont le Blanc, même celui qui se trouve en dessous de toute échelle sociale, est capable partout dans le monde.
Le Noir occupe le plus bas degré de l'échelle dans la hiérarchie humaine, donc à l'opposé du Blanc.
Le Noir accepte d'être ''éduqué'', d'être dressé (abrichten), mais tout au plus comme esclave, le stade le plus élevé de son humanité. " Cette idée de la sous-humanité du Noir est renforcée par le terme ''abrichten'', utilisé pour les animaux. "
Kant, l'homme du cosmopolitisme et de la paix perpétuelle, était donc loin d'être un négrophile.