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À Goma, Kabila lance ses consultations citoyennes avec les chefs religieux
Trois jours après son arrivée discrète dans la capitale du Nord-Kivu, Joseph Kabila est enfin sorti du silence. Il a lancé, hier jeudi 29 mai, ses consultations dans l'Est de la RDC. Dans sa résidence de Kinyogote, sur les rives du lac Kivu, l'ancien président a reçu les représentants des confessions religieuses.
Costume sombre, regard grave, crâne et menton rasés, Joseph Kabila a l'air serein. Les premières images de l'ex-chef de l'État sur le sol congolais en proie à l'insécurité depuis plusieurs mois ont tourné en boucle sur les réseaux sociaux. Joseph Kabila s'est montré fidèle à lui-même, écoutant plus qu'il ne parle.
Durant près d'une heure, il a échangé avec les délégués ders confessions religieuses (musulmans, protestants, orthodoxes, kimbanguistes, catholiques et pentecôtistes). Il n'a pas parlé à la presse. Mais, ceux qui l'ont rencontré, eux, parlent.
JOUER UN ROLE D'ARBITRE
Selon le pasteur Joël Amurani, qui conduisait la délégation, l'ancien chef de l'État a exprimé son souhait de voir " la paix, la cohésion nationale et le vivre-ensemble " restaurés. Mais surtout, les religieux l'ont exhorté à jouer un rôle " d'arbitre ", en se plaçant au-dessus de la mêlée.
" Il nous a dit qu'il est venu pour la paix. Que son grand souci, c'est de voir la paix revenir au pays, ainsi que la restauration de l'intégrité territoriale ", rapporte à ACTUALITE.CD l'évêque principal Joël Amurani, président de la plateforme des confessions religieuses du Nord-Kivu et chef de la délégation reçue.
Aucun mot sur Tshisekedi
Aucune allusion à l'AFC/M23. Aucun mot sur Félix Tshisekedi. Une absence de noms lourde de sens. Joseph Kabila a choisi le ton de la retenue, mais sans masquer son intention de reprendre la parole.
" Il a dit qu'il est un homme de paix, qu'il ne peut pas être content de voir l'œuvre qu'il a bâtie être détruite ", souligne Amurani. Et de rappeler que les chefs religieux ont eux-mêmes insisté pour qu'il joue un rôle actif dans la recherche de solutions à la crise. " Nous lui avons demandé d'user de son influence, de sa sagesse, qu'il apporte sa contribution pour que la vraie paix revienne. "
Ce vendredi, les consultations doivent se poursuivre avec d'autres acteurs locaux : responsables politiques, administratifs, sécuritaires, et représentants de la société civile. Une conférence de presse est également annoncée, sans date précise.
Elle devrait permettre à Kabila de dévoiler les premières pistes d'une feuille de route pour l'Est, voire de revenir sur son discours du 23 mai dernier à Kinshasa, dans lequel il dénonçait "la gouvernance non orthodoxe " de Félix Tshisekedi et appelait à un "pacte citoyen " en douze points pour sortir le pays de la crise.
En attendant, à Kinyogote, le décor est posé. Joseph Kabila avance ses pions, " en homme de paix ". Ses interlocuteurs religieux l'ont encouragé à jouer un rôle de médiateur, de sage, de père de la nation. " Ce n'est pas un honneur de voir le pays divisé comme en 2001, 2002 ", a lancé un responsable religieux.
Une demande qui tranche avec les soupçons d'ambition politique prêtés à l'ancien président, dont la récente allocution du 23 mai a relancé les spéculations sur un retour aux affaires. S'il s'est présenté comme un homme de paix, Joseph Kabila n'a pas renoncé à la posture du sauveur national : celui qui, selon ses propres termes, est " appelé par le destin à reconstruire le pays ", quitte à faire " le sacrifice suprême".
La lettre-choc de Lambert Mende
Mais ce rôle de sage au-dessus de la mêlée ne convainc guère ses anciens collaborateurs. Dans une lettre ouverte au vitriol, Lambert Mende, ancien porte-parole du gouvernement et fidèle compagnon de route du raïs, dénonce une communication ambigüe et un silence "nauséeux " sur les responsabilités du Rwanda dans la tragédie de l'Est.
" J'ai la pénible impression d'avoir été littéralement entubé pendant des années", lâche-t-il sans retenue, fustigeant une posture jugée complaisante envers Paul Kagame et le M23. " Rien ne peut justifier ou excuser la complaisance d'un président honoraire à l'égard de l'agresseur rwandais ", martèle-t-il, accusant son ancien chef d'avoir gommé toute mention des véritables bourreaux de l'Est.
Plus grave encore : Mende suggère que Kabila, en occultant le rôle du Rwanda, ouvre la voie à une "congolisation " du conflit, brouillant les lignes entre victime et agresseur, et rendant illisible la position diplomatique de Kinshasa.
Mukwege : "Un homme prêt à tout pour revenir au pouvoir"
De son côté, Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, voit dans les récents gestes de Kabila le retour d'un homme habité par le désir de reconquête. Invité sur France 24, il a accusé l'ancien président de vouloir reprendre ce qu'il considère comme un "bien privé".
" Il devrait d'abord présenter ses excuses aux Congolais ", a tranché le gynécologue, appelant à la transparence sur les accords politiques passés avec Félix Tshisekedi. Pour Mukwege, la rhétorique du sacrifice suprême cache une ambition de retour au pouvoir par tous les moyens.
Paluku : "Est-ce encore le Kabila que nous avons connu ?"
Julien Paluku, ministre du Commerce extérieur et ancien gouverneur du Nord-Kivu, a choisi, lui, l'ironie grinçante. Lors d'un briefing à la RTNC, il a égrené 12 questions-réquisitoires à l'intention de l'ancien président. Un interrogatoire en règle sur les contradictions entre son passé de résistant à Kigali et sa posture actuelle à Goma, aujourd'hui sous contrôle partiel du M23.
" Est-ce encore l'homme qui a combattu Mutebusi, Laurent Nkunda et le M23 ? Celui qui a pleuré Mamadou Ndala et le général Bauma ?", a-t-il lancé, mettant en doute non seulement la cohérence mais aussi la légitimité morale de Kabila à parler au nom de la paix, depuis une ville marquée par des massacres récents.
Patrick Muyaya : "Une gesticulation d'un autre temps"
Le gouvernement, quant à lui, cherche à éteindre l'incendie sans s'enflammer davantage. En conférence de presse conjointe avec Julien Paluku, Patrick Muyaya, ministre de la Communication, a dénoncé ce qu'il qualifie de " gesticulation politique " sans avenir. Pour lui, l'État est concentré sur les discussions avec le Rwanda, notamment sous médiation américaine.
" Nous n'avons pas le luxe de nous laisser distraire par des provocations ", a-t-il martelé, rejetant les déclarations de Kabila comme un retour au passé de la corruption, de la guerre et de la compromission.
Christian-Timothée MAMPUYA