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LES NON-DITS DE L'AUDIENCE DU 23 AVRIL DU PROCES BUKANGA-LONZO, «La soi-disant ... Assemblée nationale» : Une attaque frontale contre une institution de la République?
Alors que les tensions interinstitutionnelles s’accumulent en République démocratique du Congo autour du dossier Bukanga Lonzo, un nouveau fait, d’une gravité inhabituelle, est venu aggraver une situation déjà précaire. Lors de l’audience tenue le 23 avril devant la Cour constitutionnelle, le Ministère public, dans un propos qui a provoqué une onde de choc au sein des milieux politiques et juridiques, a qualifié l’Assemblée nationale de «soi-disant Assemblée nationale». Une formulation étonnante, à la fois choquante par son ton, mais surtout par ce qu’elle révèle : un glissement inquiétant dans le langage institutionnel, potentiellement symptomatique d’un déséquilibre républicain plus profond.
La phrase prononcée en pleine audience, et consignée dans le procès-verbal, a été reçue comme une offense directe à l’institution parlementaire, pilier du pouvoir législatif, et par extension, à la souveraineté du peuple. En qualifiant l’Assemblée Nationale de «soi-disant», le Ministère public n’a pas simplement formulé une critique : il a émis un doute sur la légitimité même d’un organe constitutionnel. Et pourtant, l’Assemblée nationale, c’est 500 députés élus, représentant plus de 100 millions de Congolais ! C’est l’organe politique par excellence, expression première de la souveraineté populaire ! Que cette institution puisse être ainsi remise en cause en pleine audience soulève une profonde inquiétude quant au respect des fondements républicains.
Un ecart de langage dans un climat politique lourd
Dans un État démocratique fondé sur la séparation des pouvoirs, les mots utilisés par les représentants des institutions ne sont jamais neutres. Chaque formule engage non seulement celui qui la prononce, mais aussi l’organe qu’il incarne. Et dans ce cas, le ministère public, bras judiciaire de l’État, se positionne ainsi en acteur critique, voire accusateur, à l’égard d’un pouvoir qui n’est pas le sien.
Cette sortie verbale survient dans un climat déjà lourd, marqué par le refus persistant de la Cour Constitutionnelle de saisir l’Assemblée nationale pour obtenir la levée des immunités parlementaires du député Augustin Matata Ponyo, pourtant exigée par l’article 107 de la Constitution. Malgré l’appel à la régularisation de la procédure par le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, aucune correspondance officielle n’a été transmise par la Cour. C’est dans ce contexte que le procès a tout de même poursuivit son cours, en l’absence des prévenus, y compris Matata, toujours juridiquement protégé par son immunité.
quid du respect mutuel interinstitution?
Face à cette situation juridiquement anormale, le respect mutuel entre institutions aurait dû être renforcé, notamment dans la rhétorique adoptée en audience. Au lieu de cela, c’est un discours accusatoire à l’égard du législatif qui a émergé, comme si l’Assemblée était un obstacle plus qu’un partenaire dans le processus judiciaire.
Le terme «soi-disant» ne peut être banalisé. Il implique une remise en cause fondamentale, un déni de reconnaissance institutionnelle qui pourrait faire école s’il n’est pas fermement dénoncé. Ce n’est pas uniquement une faute de langage : c’est un message politique et symbolique puissant. Ce genre de formulation, utilisé dans la plus haute cour judiciaire, s’apparente à une disqualification morale de l’Assemblée nationale, et constitue une rupture grave dans le langage républicain. Et quel organe a été visé ? Celui qui vote les lois, contrôle l’action gouvernementale et investit le Gouvernement Central ! Cette déclaration n’est pas anodine : elle touche au cœur même de l’équilibre des pouvoirs dans notre République.
Cet incident n’intervient pas dans un vide politique. Depuis quelques jours maintenant, la relation entre la Cour Constitutionnelle et l’Assemblée nationale se détériore, notamment sur le respect des procédures en matière d’immunité parlementaire. La Cour a déjà été critiquée pour avoir ignoré l’obligation constitutionnelle de consulter le Parlement, avant d’ouvrir une procédure judiciaire à l’encontre d’un député en exercice. Ce silence procédural avait été interprété par plusieurs observateurs comme une tentative de marginalisation du pouvoir législatif.
Avec l’épisode du 23 avril, cette tension s’aggrave. La crise n’est plus seulement juridique : elle devient symbolique, institutionnelle et politique. En remettant en cause l’Assemblée nationale, le ministère public prend le risque d’ouvrir un précédent dangereux, dans lequel les rapports entre institutions seraient conditionnés par des considérations d’opportunité, non de droit.
La République Démocratique du Congo, dans sa construction institutionnelle, repose sur un équilibre subtil entre ses pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. La reconnaissance mutuelle de la légitimité de chaque institution est la base de cet édifice. Briser ce contrat tacite, même par des mots, c’est ouvrir la voie à une déstructuration de l’ordre constitutionnel.
Une maladresse verbale aux consequences profondes?
En qualifiant l’Assemblée nationale de «soi-disant», le Ministère public a transgressé une frontière de langage et de respect, qui pourrait avoir des conséquences profondes si elle est normalisée. Il ne s’agit pas seulement d’une maladresse verbale, mais d’un acte qui interroge sur la perception réelle de certains organes à l’égard de la représentation populaire.
Face à cette situation, une question se pose avec insistance : la Cour constitutionnelle prendra-t-elle la peine de clarifier sa position sur les propos tenus en audience ? Le Ministère public jugera-t-il nécessaire de revenir sur une déclaration qui, pour beaucoup, dépasse les bornes du respect institutionnel ? Et l’Assemblée nationale, en tant que gardienne de la souveraineté populaire, choisira-t-elle de faire entendre sa voix, ou laissera-t-elle passer ce qui pourrait être interprété comme une attaque délibérée contre son autorité ? Le silence peut-il encore durer, ou un sursaut institutionnel s’impose-t-il pour préserver l’équilibre républicain ?
L’affaire Bukanga Lonzo, qui comme l’appréhendions, avait vocation à incarner la volonté de rupture avec l’impunité et les pratiques de mauvaise gouvernance, semble désormais glisser vers un terrain plus délicat : celui d’un différend institutionnel, où la justice, plutôt que de fédérer, expose des lignes de fracture. Les propos tenus lors de l’audience du 23 avril ne peuvent passer inaperçus. Lorsqu’une institution comme l’Assemblée nationale voit sa légitimité mise en doute dans un cadre aussi solennel qu’un procès, c’est toute la dynamique du respect interinstitutionnel qui se trouve fragilisée.
La qualification de «soi-disant Assemblée Nationale» constitue, dans l’hypothèse la plus modérée, un excès de langage. Un excès qui, pour préserver l’équilibre républicain, appelle une clarification. Car à défaut d’un rappel à l’ordre des principes, le risque est grand que le langage, lui aussi, devienne un vecteur de déséquilibre au sein de l’État de droit. Remettre ainsi en cause l’Assemblée nationale, c’est fragiliser le socle de la démocratie parlementaire. Peut-on accepter qu’une institution aussi essentielle soit publiquement rabaissée ? Peut-on oublier que porter atteinte au Parlement, c’est aussi porter atteinte à ceux qu’il représente : 100 millions de congolais ? Une telle dérive, si elle reste sans réaction, menace de banaliser l’irrespect entre les institutions et d’encourager des formes nouvelles de marginalisation politique.
Clet MUZUNGU/CP